Lignes de son, écho de soi, premier défi pédagogique d’ampleur pour le collectif : Le 11 mars 2018 se sont concrétisés trois mois d’intervention pédagogique du collectif Ascidiacea au collège Lou Blazer à Montbéliard. Une mission réalisée en collaboration avec Ariane#, projet régional d’éducation artistique autour des pratiques musicales et numériques en Bourgogne-Franche Comté.

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Le but de cette intervention était d’apporter une initiation à diverses pratiques autour des arts numériques pour des jeunes issus d’une zone urbaine prioritaire. Le travail s’est porté sur quatre ateliers donnés à trois classes ainsi qu’à des volontaires, allant de la cinquième à la troisième. Au total, près de 130 élèves ont pu participer à ce projet, prenant place à différentes étapes de la conception au montage, de la fabrication des oeuvres interactives à la mise-en-espace de celles-ci dans l’espace d’exposition. Le résultat final s’est matérialisé sous forme de trois dômes montés dans le préau du collège, intégrés à un parcours d’exposition, contenant chacun une installation spécifique sur des thèmes et médiums différents :

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  • Le projet Stream-me : réalisation et projection sur double écran d’un court métrage traitant de l’importance actuelle des réseaux sociaux ainsi que les questions soulevées par la place que prend l’image dans notre société, les dérives provoquées par la perte de contrôle du contenu, la cassure des sphères privées et publiques et le harcèlement mais également la déconstruction de l’habitat péri-urbain et ses effets nos communautés sociales locales. Le film est composé d’images extraites par les jeunes eux-mêmes de leurs réalités sociales en ligne portées par leurs écrans mobiles omniprésents ainsi que d’éléments de narration sonore constituées durant des sessions d'interview avec les élèves.

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  • Le projet Lignes de son : carte topographique interactive mettant en scène le milieu de vie des élèves et la place qu’occupent différentes zones géographiques dans leur quotidien. Ce territoire imaginaire et recomposé de la ville considérait en premier lieu la notion de vécu et d’attachement comme base des données cartographique. Enregistrements de paysages sonores et textes historiques traités ensuite par le dispositif interactif formèrent la matière première de l’installation sonore. La carte et son lieu d’installation étaient aussi animés d’éclairages dynamiques éveillant la carte d’un mouvement visible et attractif.

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  • Le projet Acousti-cité : roman sonore, structuré sur une dualité jour/nuit, d’une durée totale de 25min. Le jour est le moment d’une immersion dans différentes zones du collège, avec une composition sono-musicale à l’esthétique réaliste, censée restranscrire, retracer par le son l’empreinte. La nuit, c’est l’imagination des élèves qui devient maîtresse et plonge l’auditeur dans plusieurs histoires fantastiques aux ambiances psychédéliques et surréalistes. Ce projet fut porté par un véritable travail d’écriture sonore en amont de la réalisation des enregistrements. le défi étant d’arriver à projeter ses imaginaires littéraires dans le bain compositionnel de la manipulation sonore à partir d’éléments concrets.

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  • Le quatrième atelier était dédié à la fabrication des dômes, les élèves volontaires étant répartis en plusieurs groupes : étude des plans puis fabrication des dômes, scénographie de l’espace d’exposition et production des supports d’information/médiation, responsabilisation et mise en pratique des consignes de sécurité essentielles à toute manifestation publique. Pendant 5 jours, ces élèves ont participé à la finalisation de l’exposition. Leur travail de montage, de régie technique et logistique a servi à l’accueil du travail des autres étudiants. Même si ces élèves n’avaient pas eux-mêmes produits d’oeuvre artistique comme les autres groupes, leur activité a été essentiel dans la construction finale de ce projet d’exposition.

En trois mois, après des milliers de kilomètres de déplacement, d’innombrables rencontres toutes singulières avec les professeurs et élèves, faites de moments d’ouverture et de résistance, d’euphorie créative et de frustration face au travail à accomplir, après avoir découvert autant de pratiques de transmission et de praticiens prêt à nous en livrer leurs secrets le constat central et majeur de cette période se synthétise en quelques mots : l’objectif de transmission intergénérationnel des cultures numériques constituent un véritable levier d’action socio-culturel dont les tenants politiques et les aboutissants expressifs restent peu exposés aux jeunes publics. Leurs prédispositions à l’action face à ces univers technologiques est une ressource indéniable de créativité et d’action critique. Reste qu’à la transmission des pratiques et des références historique doit se mêler un véritable programme de déconstruction méthodologique des usages triviaux de ces appareils de télécommunication et de médiation intersubjective dans la distance des échanges, face à l’inquiétante étrangeté du rapport désincarné quoique sensible aux écrans. Ces pistes éducatives doivent s’appliquer à suivre le chemin des usages, sans pour autant s’y fixer sans autre forme de remise en question, et tenter d’ouvrir de nouvelles voies d’utilisations, plus conscientes, plus singulières, plus personnelles, où l’apprenant saisi depuis sa position d’expérimentateur les vertus, les risques, les limites et les libertés qu’induisent ces nouveaux supports d’existence sociale, ces nouveaux outils de création culturelle.

Ce fut une mission riche pour le collectif qui a pu développer son axe pédagogique et confronter ses connaissances avec un nouveau public non initié. Le contact avec les enfants, leur imagination fertile et parfois surprenante était très enrichissant. C’est le point de départ d’un travail depuis longtemps imaginé et désiré dans la pédagogie et la diffusion de l’art numérique au sein du jeune public. La multiplicité des formats, des formules, des supports et moments de transmission créative dans le domaine des arts numérique semble par ailleurs devenir un programme des plus pertinents pour faire comprendre aux plus jeunes l’enjeux crucial de la présence des technologies numériques dans nos vies. Par-delà la division entre domaine artistique et domaine de l’ordinaire, ou encore pour faire face aux enjeux de production industrielle ou scientifique de ces objets de savoir et de contrôle collectif, il semble crucial d’opérer des va-et-vient constant entre techniques et théories, entre cultures historiques et pratiques actuelles pour donner à sentir à quel point le numérique forme une condition incontournable de nos moyens de vivre ensemble et de se développer soi-même. Nous devons pointer ici les enjeux politiques et publics, ainsi que les ressources poétiques et expressives qui amèneront les personnes à s’émanciper positivement de cet entrelacs entre technologies et idéologies industrielles.